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LA POPULATION ET LE SYSTÈME DE MALTHUS.

presque unique de tous les maux. Là est l’illusion, et elle est grande. La population en Angleterre s’est accrue depuis lui avec une rapidité qui l’eût fort effrayé. Cependant le bien-être des membres de la grande famille britannique s’est accru beaucoup plus encore. Malthus n’a signalé qu’une des causes de la misère et n’a enseigné qu’un seul de ses remèdes, et ce remède, quoi qu’il ait paru dire, ne serait pas une panacée[1].

Me prenez-vous pour un Malthus ? s’écrie, dans la comédie d’Henri Monnier, M. Joseph Prudhomme avec une grande indignation, sauf à avouer à son interlocuteur, qui lui demande ce que c’est que Malthus, qu’il ne le sait pas plus que lui. Les malthusiens, quelle est donc cette engeance ? chante je ne sais plus quel couplet. — Carnassiers de Malthus, écrit M. Proudhon avec plus de gravité apparente. — Devant de pareilles injures, on hésiterait presque à se défendre du reproche de malthusianisme. Si l’on fait des réserves sur certains côtés de la doctrine, du moins n’est-ce point parce qu’on rougit de ce philanthrope calomnié. Parmi les titres de Malthus à l’estime, peut-être pourrait-on placer son impopularité. Un homme qui ose braver le préjugé et le lieu commun, c’est si rare ! Malthus l’a fait sans forfanterie et en toute conscience. Aussi a-t-il pu mourir sans manifester aucune espèce de remords, comme l’écrit un de ses adversaires. Il a quitté le monde sans remords, ce grand coupable, et cependant voyez ses crimes il a dit aux peuples qu’ils avaient tort de s’en prendre toujours à leurs gouvernements de tous leurs maux que les pouvoirs publics ne devaient pas et ne pouvaient pas

  1. Parmi les attaques les plus radicales contre le système de Malthus, parties du camp non plus des socialistes, mais des économistes, nous citerons les articles, insérés dans le Journal des Économistes, de M. de Fontenay, un des plus vigoureux ecrivains que compte aujourd’hui l’économie politique.