Page:Baudrillart - La Liberté du travail, l’association et la démocratie.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
306
LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

mage par suite de maladie, elles ont rencontré souvent le même peu de bon vouloir ? Pourquoi, en 1860, sur 402,885 hommes, membres participans des Sociétés de secours mutuels, n’y a-t-il que 69,870 femmes ? Cela tient-il seulement au nombre moindre des ouvrières, à leur misère même, qui ne leur donne pas de quoi se faire assurer ? Non. Plusieurs sociétés ont exigé d’elles une cotisation plus forte, sous prétexte qu’elles étaient trop souvent malades. Raison peu fondée, leurs maladies étant plus courtes et le nombre des journées qu’il a fallu payer aux femmes étant inférieur à celui des hommes. Elles ont fait de leur mieux pour s’organiser toutes seules en sociétés de secours. Environ 18,000 femmes y figurent aujourd’hui, et pour opposer une dernière réponse à ceux qui les accusent d’incapacité, il se trouve que ces sociétés sont au nombre des mieux administrées.

Pour les professions libérales, on rencontre les mêmes exclusions. Les sages-femmes n’ont-elles pas été beaucoup trop dépossédées de leurs anciennes fonctions ? Si une partie des études médicales est interdite aux femmes, si l’exercice de la chirurgie n’est pas plus possible à leur sensibilité morale qu’à la faiblesse de leurs organes, telles parties de la pratique médicale ne pourraient-elles être cultivées par elles avec succès, notamment, et ici avec un premier profit pour la pudeur, pour les maladies qui affectent les femmes[1] ? Qui ne voit que la carrière que leur offrent les arts et les lettres est limitée ? Les arts comprennent la musique, la pein-

  1. Quelques-unes de ces vues se trouvent déjà exprimées dans l’excellent ouvrage d’un regrettable philosophe, M. Adolphe Garnier, membre de l’Institut, sur la Morale sociale, publié à la librairie Hachette. L’auteur y paraît vivement préoccupé de la situation actuelle des femmes laborieuses, et dans les observations qu’il consacre à cet important sujet se montre, comme toujours, moraliste délicat et judicieux.