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DE LA LIBERTÉ DU TRAVAIL POUR LES FEMMES.

une famille honnête qui consente à les recevoir ; d’autres enfin, qui ne veulent pas loger en garni, restent au couvent jusqu’à ce qu’elles aient réservé les deux ou trois meubles les plus indispensables : la supérieure garde leurs économies, et leur vend elle-même pièce par pièce le lit sur lequel elles couchent.

Les encouragements donnés à l’épargne par plusieurs chefs d’usine figurent au nombre des meilleurs moyens de réconcilier la manufacture avec la famille. L’épargne constitue un supplément de salaire. Le haut salaire du mari et l’épargne au profit du ménage, à ces conditions-là seulement, s’accomplira la rédemption de la femme ouvrière, aujourd’hui si malheureuse et si souvent hélas ! dégradée. Je dis souvent, sans oublier les nombreuses exceptions au sein de la misère la plus profonde. Combien de vertus cachées, héroïques, de pieuses résistances, de silencieux accomplissements du devoir mis aux plus dures conditions en face du vice qui s’étale ! L’épargne, c’est la vertu dans la famille ouvrière ! À elle de créer des habitudes de tempérance qui manquent trop à la classe ouvrière, surtout dans le Nord. Comment ne pas gémir, par exemple, quand on lit qu’à Amiens il se consomme tous les jours 80,000 petits verres d’eau-de-vie, dont les femmes prennent leur bonne part, valeur de 4,000 fr., représentant 3,500 kilog, de viande ou 12,121 kilog, de pain, près de 1 million 500,000 fr. par an ! Ces habitudes ont cédé dans quelques villes, à Sedan, par exemple, aux efforts énergiques des chefs d’entreprises. La liste serait longue des manufacturiers qui créent et augmentent de leurs fonds la caisse de secours entretenue par les ouvriers. Charles Kestner, à Thann, donne des pensions de retraite à ses ouvriers, sans exercer pour cela aucun prélèvement sur leurs salaires. Ces retraites peuvent monter jusqu’à une rente annuelle de 540 fr. La veuve d’un ouvrier mort après vingt ans de collaboration a droit