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DE LA LIBERTÉ DU TRAVAIL POUR LES FEMMES.

y a trente ans. La préoccupation constante de l’hygiène y a succédé au mépris de la vie humaine qui y éclatait impudemment. L’air et la lumière y sont prodigués de plus en plus. Le sol a été assaini par le drainage. Les accidents, grâce à des précautions minutieuses, y sont rares.

La mécanique transforme le plus souvent l’ouvrière en une simple surveillante.

Combien les travaux agricoles sont, dans trop de cas, plus rudes pour les femmes ! Dans plusieurs de nos départements, elles portent sur leur dos ou sur leur tête de lourds fardeaux. Dans le midi de la France, ne les voit-on pas encore tirer la charrue et porter le fumier, et, souvent pêle-méle avec les hommes sur les chantiers de terrassement, enfoncer la bêche avec leurs pieds nus, servir les maçons et les couvreurs sur les toits ?

Comment ne pas souhaiter ardemment que les femmes ne travaillent pas plus de huit heures, que plusieurs heures dans la journée leur soient réservées pour retrouver leurs enfants avec le foyer domestique situé à proximité ! Une amélioration consistant à absorber moins la femme dans le travail industriel, à lui laisser plus de temps, est-elle toujours impossible ? On ne saurait le croire.

Déjà, dans beaucoup de grandes manufactures, des mesures ont été prises contre le travail en commun, et les sorties se font à des heures différentes. C’est insuffisant, mais c’est quelque chose comme mesure moralisatrice. La tâche de moraliser les jeunes ouvrières peut être entreprise par les manufacturiers : elle peut l’être surtout par leurs femmes, et d’heureux efforts ont lieu en ce sens. Il faudrait seulement qu’ils fussent généraux. Que faut-il pour cela ? Un tendre et persévérant intérêt porté aux misères morales des pauvres filles ; point de cette sotte fierté ou de cette égoïste indifférence qui évite tout contact habituel avec ceux et celles qui portent le poids quotidien