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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

insupportable aux simples visiteurs. La chaleur accablante des ateliers de carderie, jointe à l’insalubrité du local, constitue aussi une cause de maladie. Pour le battage, les grands établissements, hâtons-nous de le dire, ont substitué l’action de la mécanique en partie au travail des femmes. De puissants ventilateurs chassent avec une rapidité inouïe la poussière qui s’accumulait. Mais combien d’ateliers n’emploient pas ces moyens ! La préparation du chanvre et du lin offre plus d’inconvénients encore que le coton. L’atmosphère des établissements mal entretenus, et ils sont là plus nombreux qu’ailleurs, est empestée. Les ouvrières y vivent treize heures le corps en transpiration, les pieds trempant dans l’eau. L’apprêt des étoffes est encore une opération funeste pour la santé des femmes dans beaucoup de cas. Dans la fabrication de la soie, les femmes seules font le tirage des cocons et le cardage de la filoselle. Les unes trempent leurs mains à chaque instant dans l’eau bouillante pour en retirer les cocons. Outre l’insalubrité de ce travail, elles s’empoisonnent des émanations des chrysalides pourries. De là les fièvres qui souvent les rongent, les vomissements de sang, les fluxions de poitrine causées par le passage du chaud au froid quand elles sortent de l’atelier. Dans les verreries, les tailleuses de cristal, penchées sur leur roue toute la journée, ont constamment les mains dans l’eau. Qui ne serait navré par de pareils spectacles ? Dites-vous bien pourtant que ces causes délétères sont moins fréquentes que dans le travail morcelé exécuté dans des taudis infects, et ruinant, par sa nature ou son excès, la santé des ouvrières ! Dites-vous aussi que les éplucheuses de coton, les soigneuses de corderie dans les filatures de chanvre, les apprêteuses d’étoffe ne forment que trois corps d’état sur plus de vingt, et que ces corps n’emploient qu’un personnel restreint. Enfin, il faut être juste : les manufactures ne sont plus ce qu’elles étaient il