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DE LA LIBERTÉ DU TRAVAIL POUR LES FEMMES.

9,000 ouvrières furent groupées, gagnant de 2 à 3 fr. Bientôt le point d’Alençon balança le point de Venise. Louis XIV, émerveillé, se fit présenter Mme Gilbert, et lui remit une forte somme. L’émulation gagna les provinces, aidée par des immunités de divers genres accordées aux pays qui pourraient fournir des dentellières. On accorda à une Mme Dumont le droit exclusif d’élever à Paris des ateliers de cette nature. On alla jusqu’à lui donner un des Cent-Suisses du roi pour garder sa maison. À Aurillac, la paye des ouvrières s’éleva bientôt à 6 ou 7,000 fr. Une directrice fut nommée à Auxerre pour les ateliers de dentelle. Le zèle administratif fut stimulé selon la coutume française. Les femmes des autorités furent invitées par le ministre à visiter les ateliers, à converser avec les ouvrières, à les encourager. Le Havre, qui le croirait aujourd’hui  ? comptait 5,000 dentellières ; Valenciennes et Dieppe en eurent environ 8,800, avec des salaires de 1 fr. et 1 fr. 25 c., valant au moins le double de ce que ce chiffre représente aujourd’hui. Valenciennes, qui a donné son nom à un élégant produit, est aujourd’hui entièrement déchue. Quant à Dieppe, l’économiste Blanqui y a constaté l’existence de plusieurs centaines de dentellières gagnant 25 c.

L’industrie traite durement les femmes. À elles presque toujours la partie la plus malsaine des grandes industries textiles. Dans la fabrication du coton, l’atelier dit de l’épluchage et du louvetage est le plus malsain avec la carderie. La poussière et le duvet qui s’échappent du coton entrent dans les poumons et causent parfois la phthisie dite cotonneuse. Cet atelier est occupé par des femmes. Dans les manufactures les moins vastes et les moins riches, le sol humide, les parois encrassées de l’atelier, les fenêtres étroites et peu nombreuses, accroissent les conditions délétères qui pèsent sur les éplucheuses, condamnées à passer douze heures par jour dans une atmosphère