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DE LA LIBERTÉ DU TRAVAIL POUR LES FEMMES.

à peu près de quoi vivre. À Paris, aujourd’hui, une ouvrière le peut-elle ? Celles qui reçoivent un salaire en rapport avec les besoins les moins exigeants forment l’exception. Que l’on songe qu’une ouvrière gagnant 2 fr. par journée de travail est parmi les favorisées, et que sur son année il faut déduire, indépendamment des chômages du dimanche et des autres fêtes, et de ceux qu’occasionnent les maladies, les longues interruptions de travail, qui sont rarement de moins de trois mois, et qui atteignent parfois à quatre. Le budget des recettes de l’ouvrière gagnant 2 fr. ressort, évalué avec exagération, à 500 fr. par an. La question se trouve donc posée en ces termes : Savoir si une femme peut avec 500 fr. suffire à Paris aux dépenses de logement, de toilette, de blanchissage, d’éclairage, de chauffage et de nourriture ? Le budget des dépenses, examiné par le menu et réglé avec une parcimonie scrupuleuse, atteste la presque impossibilité de subsister avec ce misérable revenu. Et nous citons là non pas l’aristocratie des femmes qui vivent de leur travail, mais, si l’on peut dire ainsi, la bonne bourgeoisie de cette classe ! Que sera-ce de celles qui reçoivent 75 c, ou SO c, par jour ! Les commissaires de l’enquête de 1851 parlent d’une femme ensevelie plutôt que logée « dans un trou de 5 pieds de profondeur sur 3 de largeur, » et d’une autre « qui avait été obligée pour respirer de casser le carreau de son unique lucarne. » Vivre à Paris avec 200 ou 300 fr. de revenu, tel est le problème imposé à de pauvres filles que l’on compte par milliers. Comment donc faire du travail isolé, tant qu’il ne sera pas mieux rémunéré pour les femmes, un idéal vers lequel il faille revenir ? Ah ! sans doute, il faut s’efforcer que les conditions de ce travail s’améliorent ; mais, en attendant, il faut accepter la manufacture comme une nécessité et songer à l’améliorer elle-même.

Qui ne voit que l’avénement de la manufacture est dans