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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

rées par la mère à l’oreille de la jeune fille sont des leçons infâmes ?

On se plaint du travail prolongé que la manufacture impose aux femmes et aux jeunes filles. La fabrique de Lyon, pour ne citer que celle-là, n’est guère plus exempte du même reproche à l’égard des jeunes apprenties. Quatre ans d’apprentissage pour arriver à être tisseuse, métier qui peut s’apprendre en six mois, n’est-ce pas un de ces abus qui rappellent les règlements les plus justement reprochés aux anciennes corporations ? Et que penser d’un travail de huit heures, qui se prolonge parfois de deux, et même de quatre, imposé à une enfant de quatorze ans ?

La fabrique lyonnaise, avec sa vieille organisation morcelée donne d’ailleurs des signes de décadence, que M. Louis Reybaud constate avec un sentiment de regret dans son enquête sur la condition des ouvriers en soie. L’antique concorde a disparu. N’est-ce pas sur les drapeaux déployés par des ouvriers de petite fabrique et non de grande manufacture qu’on a pu lire ces mots sanglants : Vivre en travaillant ou mourir en combattant ? Dans la fabrique lyonnaise, la famille subsiste pour l’ouvrier entrepreneur qui possède quelques métiers et traite directement avec le fabricant. Il n’en est pas toujours ainsi pour les compagnons, qui travaillent au compte de ce maître ouvrier. Les habitudes de démoralisation ont pénétré là comme ailleurs. Le compagnon ne vit pas moins éloigné de chez lui que s’il travaillait dans la manufacture. Les cafés chantants et les autres distractions absorbent une grande partie de son salaire.

Si l’on envisage les conditions hygiéniques et économiques, le travail des manufactures, malgré ses abus, paraîtra, dans l’état actuel de l’industrie, valoir mieux presque toujours pour les femmes pauvres que le travail isolé. Là seulement la majorité des ouvrières gagne