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DE LA LIBERTÉ DU TRAVAIL POUR LES FEMMES.

principal. « Je pense, écrivait un ancien qui n’avait en vue que les femmes vivant dans l’aisance, qu’une bonne ménagère contribue autant que le mari au succès des affaires. C’est ordinairement par les labeurs de l’homme que les gains entrent au logis ; mais ils se consomment le plus souvent par les soins de la femme. Quand ces deux points vont ensemble, les maisons réussissent ; autrement, elles tombent en décadence. » Cette tâche de consommer utilement la richesse pour le bien commun de la famille, assignée si sagement à la femme par Xénophon, n’est pas malheureusement la seule qu’ait la femme pauvre dans l’état présent de nos sociétés. Il faut qu’elle ajoute aux produits de la journée de son mari l’appoint de son propre salaire. Cette nécessité, si triste qu’elle soit, a ses compensations. Elle contribue à sa dignité, au respect qu’on lui porte. Tel mari, dans la classe ouvrière, qui, peu délicat, eût méprisé la femme ne gagnant rien, l’estime et la considère pour son apport. C’est aussi pour elle un moyen d’indépendance, si elle devient veuve, ou si l’inconduite du mari dissout le ménage.

Quant à ceux qui, sans prétendre interdire le travail aux femmes, songeraient à leur fermer la manufacture, la pensée qu’ils conçoivent est-elle discutable ? Elle ne pourrait être accomplie qu’en foulant aux pieds la liberté des contrats, à la fois chez la femme et chez le fabricant. Les idées et les moeurs modernes repoussent également un Lycurgue ou un Platon contraignant les femmes à des exercices et à des travaux contraires à leur sexe. Elles n’admettraient pas davantage des interdits qui leur lieraient les mains. Des ouvriers, dans l’entraînement de la lutte, ont pu l’oublier. Ils ont voulu supprimer la concurrence des femmes, sous l’empire du même mouvement qui les portait à briser les machines. C’était la même absurdité avec l’inhumanité de plus. Le droit de travailler est le même chez l’homme et chez la femme. Point de