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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

tous nos prétendus progrès ! » S’agit-il de la femme des classes aisées ? L’auteur du livre de l’Amour soutient qu’elle doit peu travailler. « Mon ami, je ne suis pas forte. Je ne suis pas propre à grand’chose qu’à t’aimer et te soigner. Je n’ai pas les bras nerveux, et si je fais trop longtemps attention à une chose compliquée, le sang se porte à ma tête, le cerveau me tinte. Je ne puis guère inventer, je n’ai pas d’initiative, etc. » Sans doute le travail atteint plus vite ses bornes naturelles chez les femmes que chez les hommes. Leur corps se refuse aussi bien que leur esprit aux occupations trop permanentes. Elles ne peuvent pas plus être impunément toute la journée ou assises ou debout que consacrer de longues heures aux fortes combinaisons scientifiques. Leur organisation intellectuelle et physique exige le mouvement, la variété des occupations, se prête à des travaux moins durs. Mais qui peut nier que le travail soit dans leur vocation et leurs aptitudes ? Ennui qui ronge les femmes désœuvrées, caprices malsains, passions maladives qui les dévorent ; tous ces symptômes n’attestent-ils pas que si le travail est le gagne-pain de la femme pauvre, il est la santé morale de la femme riche. Non, la frivolité des idées et des goûts, à laquelle on veut la réduire en dehors des soins de la famille, n’est pas plus une grâce pour son esprit qu’elle n’est une force pour son âme. Quant aux femmes pauvres, la nécessité tranche la question. Il faut qu’elles travaillent : il le faut toujours, si elles sont seules ; il le faut presque toujours, si elles sont mariées. L’ouvrier même rangé ne gagne pas constamment pour deux. Est-ce donc d’ailleurs seulement d’aujourd’hui que le travail matériel est leur loi ? L’antiquité ne connaissait pas l’ouvrière, soit, mais elle usait et abusait de la femme esclave. Toujours la femme a pris sa part aux durs travaux de la campagne, toujours la couture et les métiers à la main l’ont occupée. Ce qu’il faut souhaiter, c’est que le travail soit l’accessoire et le ménage le