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DE LA LIBERTÉ DU TRAVAIL POUR LES FEMMES.

nufacturier est-il nécessairement corrupteur ? La manufacture s’arrêtera-t-elle et cessera-t-elle d’appeler les femmes au nombre de ses auxiliaires ?

Les petits métiers qui subsistent forment-ils le noyau de l’armée future du travail, ou les débris d’une armée vaincue, dispersée déjà, et dont les cadres ne sont point appelés à se reformer ? Quelles perspectives enfin peuvent s’offrir de ce côté pour la situation morale et matérielle des femmes pauvres ?

La question économique est importante ; la question morale l’est plus encore. Qui donc ne voit pas qu’il y va de tous les sentiments délicats, probes, civilisés dans la moitié de l’espèce humaine, qu’il y va de l’avenir même ? La destinée de la femme fait celle de l’enfant, de l’homme futur, faible, mal constitué, malsain ou vigoureux, honnête ou vicieux selon l’éducation physique et morale qu’il a reçue depuis le berceau jusqu’à l’adolescence. Bien plus, la destinée de la femme fait celle du mari, cela d’une manière plus sensible encore dans les classes ouvrières. L’histoire, qui raconte comment la femme s’est successivement relevée dans la famille et dans la société, atteste que la dégradation de la femme entraîne celle de l’homme, et que la femme n’a pu devenir l’égale de l’homme sans que celui-ci devînt supérieur à ce qu’il était, moins brutal, moins égoïste, meilleur, en un mot. L’égalité impose des devoirs et les convertit en vertus. La tyrannie n’engendre que vices, et la vengeance de la femme esclave est de corrompre son maître tombé plus bas qu’elle, car il a plus de moyens de mal faire.

On remarquera que nous avons tranché plutôt que discuté une question préalable, celle de savoir si les femmes doivent travailler. Combien j’aimerais à répéter après M. Michelet « L’ouvrière ! mot impie, sordide, qu’aucune langue n’eût jamais, qu’aucun temps n’aurait compris avant cet âge de fer, et qui balancerait à lui seul