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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

pées, que gagnaient-elles à la fin du dernier siècle et au commencement du nôtre ? Au moins 10 sous, souvent 1 fr., somme qui en représentait plus du double en raison de la valeur plus grande de l’argent et des conditions plus douces de la vie. Et maintenant quel est leur sort ? M. Audiganne, un observateur consciencieux et des mieux instruits, constate des salaires de 25 centimes pour quatorze heures de travail, des salaires, chose inouïe qui descendent jusqu’à 5 centimes. Une fileuse bretonne qui a obtenu le premier prix pour la perfection de son filage à l’Exposition de 1855 gagnait 30 centimes par jour à ce travail. Paris, cette métropole du travail élégant, de l’art appliqué à l’industrie, Paris qui doit aux femmes une grande partie de sa richesse d’exportation, présente-t-il toujours des chiffres plus consolants ? Tout semblerait en faire une loi : la perfection de l’ouvrage exécuté, la demande extrêmement vive, par-dessus tout la cherté des vivres et du loyer. Eh bien ! sur environ 112,891 femmes, plus 7,851 jeunes filles, chiffre constaté par l’enquête de la chambre de commerce en 1847, et que modifie peu l’enquête nouvelle, sur ce nombre véritablement effrayant et qui équivaut à près de la moitié de celui des travailleurs du sexe masculin, 626 ouvrières avaient seules un salaire supérieur à 3 francs ; plus de 100,000 gagnaient seulement plus de 75 centimes à 3 francs, avec une forte prépondérance des petits salaires. La moyenne générale ressortait à environ 1 fr. 50 c. Bien plus : 950 femmes ont été trouvées vivant (en vivaient-elles ?) avec des salaires de 60 centimes, et il s’est rencontré quelques salaires très-exceptionnels, je l’avoue, de 15 centimes pour des femmes secourues cousant des pantalons de toile pour la troupe.

À quoi aboutissent ces misères ? Trop souvent à deux abîmes. Dans l’un, tout est honte : c’est le vice, la débauche, disons-le, la prostitution patentée ou cachée. J’honore infiniment l’autre moyen de venir en aide aux fem-