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DE LA LIBERTÉ DU TRAVAIL POUR LES FEMMES.

elles, comme, par exemple, l’humble profession de bouquetière. Et pourtant, chose aussi certaine qu’elle est triste, le travail des femmes était en général mieux assuré et mieux rétribué avant 1789 que de nos jours. S’agit-il des professions supérieures à celles de la simple ouvrière : la sage-femme, la coiffeuse, la parfumeuse, tenaient les places remplies presque toujours par les hommes aujourd’hui. On n’avait pas introduit dans les magasins cette armée de jeunes gens dans toute la vigueur de l’age, dépensant leurs forces et leur temps à auner du calicot, à faire briller des étoffes de soie aux regards de l’acheteuse, a essayer des châles. Les travaux que remplissait le sexe féminin étaient inspectés par des femmes. De même qu’il y avait des prud’hommes, il y avait des preudes-femmes qui intervenaient dans les conflits du travail. Ces preudes-femmes purent garantir un certain jour les priviléges menacés des couturières contre les empiétements des tailleurs, Le droit des veuves était protégé d’une façon assez arbitraire, mais qui était un bienfait pour elles. Elles pouvaient continuer, par le moyen d’agréés, la clientèle de leurs maris défunts, maîtres chirurgiens, maîtres apothicaires, maîtres libraires et imprimeurs. L’arme mauvaise en elle-même des prohibitions fut quelquefois employée en leur faveur, et l’entrée des broderies étrangères fut repoussée pour protéger, disait telle ordonnance, les occupations vertueuses du beau sexe. La police des mœurs était placée sous la protection de règlements dont la sévérité étonnerait le relâchement actuel. Ils excluaient des communautés tout homme vivant en concubinage, chassaient le séducteur de toutes les corporations, et condamnaient à des amendes de 3 à 6 livres quiconque proférait dans l’atelier des blasphèmes ou des paroles obscènes.

Comment nier que le travail à la main était mieux rémunéré qu’aujourd’hui ? Ces pauvres fileuses, qu’un grand progrès, l’avénement des machines a si cruellement frap-