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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

pas cessé de s’accroitre au delà de l’élévation du prix des loyers et des vivres, la jouissance de beaucoup de biens communs, ou d’un accès plus facile qu’autrefois, contribuant à l’hygiène, à l’instruction, au bien-être, rendent leur situation presque toujours tolérable, souvent même douce, bien plus douce, par exemple, que celle de l’homme condamné à traîner le supplice caché de la misère en habit noir. Heureux si le progrès moral était toujours chez eux en rapport avec le progrès matériel, et si le cabaret, le budget des liqueurs fortes, si des habitudes de chômage volontaire n’absorbaient pas en partie les économies, garantie d’un bien-être durable et d’une dignité indépendante ! En dépit de bien des ombres, l’ensemble du tableau se ressent du développement général de la production qui n’a pas pu profiter qu’aux seuls riches. Une seule tache, étendue, profonde, s’offre sans compensation aux regards attristés de l’observateur la situation des femmes dans le travail s’est empirée !

On se préoccupe de ce douloureux phénomène, on s’en afflige, on s’en effraye, et on a raison. Non pas que le mal ne comporte aucun remède ; mais les remèdes sont lents, indirects, et aucun d’eux n’est absolu. Plus ici peut-être que partout ailleurs, il faut du temps, beaucoup de temps, et d’énergiques efforts, pour venir à bout du mal, pour le faire céder du moins en partie.

Je voudrais mettre sous les yeux du lecteur les résultats d’une pénible enquête qui se poursuit sous nos yeux depuis quelques années. Tous ceux qui se sont occupés des conditions du travail au XIXe siècle ont rencontré l’ouvrière, M. Villermé, M. Blanqui, M. Louis Reybaud. Plus récemment, M. Jules Simon a consacré à la description exacte de ses souffrances un noble livre, que nous aurons plus d’une fois l’occasion de citer[1]. M. Michelet, dans

  1. Sur le paupérisme des femmes, voir aussi le livre plein