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INTRODUCTION.

qui ne rêvent pas avec Fourier des satisfactions sensuelles grossières ou raffinées, ce qui est un autre genre d’excès, se transportent et nous ramènent vers les temps où il s’établissait une sorte de synonymie entre la démocratie et la pauvreté. Cette confusion a égaré un certain nombre d’adeptes du terrorisme et fait du trop fameux mot « Guerre aux châteaux, paix aux chaumières ! » une sorte d’idéal de gouvernement et de société. Elle se dissipe comme le plus vain des mirages, dès que l’on s’est persuadé qu’il n’en est pas de la démocratie moderne comme des petites républiques démocratiques ou aristocratiques de l’antiquité, ou comme de l’ancien état de quelques cantons helvétiques voués à une simplicité patriarcale. La démocratie moderne accepte la civilisation, la richesse et les arts ; elle veut augmenter et non restreindre le bien-être de tous. Elle ne songe pas à réduire la portion du riche, mais à accroître celle du pauvre soumis à des privations aujourd’hui encore excessives. Elle ne rêve pas le moins du monde d’aller nue comme les sans-culottes de 1793 ; elle ne désigne point comme aristocrates, avec Marat, aux colères populaires, ceux qui portent des habits au lieu de porter des blouses. Loin de là, elle demande le bas prix des étoffes de coton, de laine et même de soie, pour en faire des vêtements chauds et élégants. Elle ne veut à la façon de Babœuf ni fermer les musées, ni supprimer l’Opéra, ni brûler les livres qui sont dans les bibliothèques, à l’exception de la nouvelle Déclaration des droits de l’homme, ni planter de choux les jardins consacrés au luxe et à l’agrément, afin de mieux prouver son amour pour la simplicité et pour le