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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

espèces fut suspendu par un autre décret, ou plutôt limité à la somme de 100 francs par livret : la conversion du surplus fut offerte moitié en bons du Trésor à 4 et à 6 mois, moitié en rente 5 % au pair. À ce moment les bons du Trésor s’escomptaient à 30 ou 40 % de perte, et la rente était à 70 ; c’était donc une véritable banqueroute. L’émotion fut immense. La moralité publique elle-même paraissait mortellement frappée par ce déni de justice. Tant de privations pour aboutir à la misère, à la déception ! Nul coup plus funeste ne pouvait être porté au crédit dans l’imagjnatton des masses. Le décret du 7 juillet suivant fut un commencement de réparation. L’État renonça à offrir les rentes au pair, et fixa le taux de 80, clause injuste encore, à laquelle s’ajouta la conversion rendue obligatoire, même pour les déposants qui ne réclamaient aucun remboursement. Jaloux de réparer le mal, autant qu’il était possible, le gouvernement, par la mesure du 21 novembre, accorda aux déposants ce qu’on a appelé une compensation. Les dépôts qui avaient été convertis en rentes au taux de 80 francs furent bonifiés de la somme de 8 fr. 40 c. pour 5 francs de rente, différence entre 80 fr. et 71 fr. 60 c., cours moyen des trois mois qui avaient précédé le jour où la conversion fut ordonnée. Tout ceci équivalait à une liquidation des caisses d’épargne, liquidation qui se résolut elle-même en frais énormes. Le lien financier qui unit les caisses d’épargne à l’État est donc regrettable de tous points. Des caisses d’épargne indépendantes offriraient de tout autres ressources. Ceux qui ne conçoivent ni développement ni sécurité en dehors de l’action de l’État feront bien de s’enquérir de ce qui se passe en Allemagne. Ils y verront que les caisses d’épargne y ont pris, particulièrement en Prusse, sous le régime de la liberté, le plus remarquable essor. On ne craint pas d’y voir la masse des dépôts s’élever à de trop fortes sommes. Libres de canner leurs fonds aux emplois les plus fruc-