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DE L’ASSOCIATION. — CRÉDIT POPULAIRE.

qu’on avait voulu corriger, rendait nécessaire une loi nouvelle. Cette loi du 22 juin 1845, quel remède efficace a-t-elle apporté ? A-t-elle changé ce qui paraissait être l’important, la destination des fonds ? Aucunement ; elle ne songea qu’à limiter la quantité des dépôts en fixant à chacun d’eux un maximum plus restreint encore que celui qui existait. En Angleterre, le maximum des dépôts est de 5,000 francs pour chaque déposant ; en France, il n’était déjà que de 2,000 dans la plupart des caisses, et de 3,000 par exception. Il ne fut plus que de 1,500 francs ; on permit seulement que la somme s’élevât à 2,000 par l’accumulation des intérêts. La loi de 1851 a encore réduit ce chiffre en le portant à 1,000 francs. Ainsi une vertu qu’on ne saurait trop encourager dans les classes populaires s’est trouvée, de par la loi, soumise à une entrave ; on lui a dit : Tu n’iras pas plus loin.

On allègue, à titre de compensation, que ces dépôts, fruits sacrés du labeur et de la privation, jouissent d’une sécurité que l’État seul peut garantir. Je ne conteste pas la sûreté qu’offre ce placement dans les temps calmes. En est-il de même dans les époques de crise et de révolution  ? Les crises mettent le gouvernement sous le coup d’une demande immédiate de remboursement intégral. On l’a vu après la révolution de février : les déposants assiégèrent les bureaux, pressés par le besoin et par l’inquiétude. Il s’agissait pour l’État obéré, aux prises avec mille difficultés financières, de rembourser la somme de 355,087,717 francs, dont 80 millions à Paris seulement. Il fut facile au gouvernement provisoire d’afficher sur les murs que, de toutes les propriétés, la plus inviolable était l’épargne du pauvre ; que les caisses d’épargne étaient placées sous la garantie de la loyauté nationale ; il put même décréter que l’intérêt de 5 % serait alloué aux caisses ; ces solennelles déclarations ne pouvaient prévaloir contre une terrible nécessité ! Le remboursement en