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DE L’ASSOCIATION. — CRÉDIT POPULAIRE.

dant, d’ingénieusement fécond dans l’initiative des individus et dans la puissance de la libre association. N’est-ce pas le lieu de répéter le mot si juste et si vrai de Voltaire « On ne veut pas assez ; les petites considérations sont le tombeau des grandes choses ! » Parmi ces petites considérations, il faut placer les petites haines, les petites rivalités, les petits sentiments, quels qu’ils soient. On ne fait rien sans âme. Les exemples que j’ai cités prouvent que l’âme et le calcul peuvent fort bien aller ensemble.

Dieu me garde de parler autrement qu’avec respect et sympathie de nos caisses d’épargne, ces auxiliaires si efficaces de la morale dans les classes ouvrières, les seules institutions de crédit populaire qui aient chez nous un passé ! Que de sophismes n’a-t-on pas entassés contre elles ! L’avenir aura peine à concevoir qu’il se soit trouvé des publicistes pour soutenir que les caisses d’épargne ne servent qu’à faire pénétrer des habitudes d’égoïsme dans la classe ouvrière ; comme si de toutes les formes de l’égoïsme, la plus honteuse n’était pas celle qui confine l’homme dans la jouissance immédiate ; comme si le sacrifice du présent à l’avenir, du plaisir brutal au futur bien-être n’était pas noble et difficile ; comme si, enfin, à ces calculs intéressés ne se mêlaient pas les sentiments sympathiques qu’inspirent le devoir et les saintes prévoyances de la famille ! Pour moi, je considère comme un progrès moral cette disposition de l’homme moderne qui l’éloigne de croire, comme le faisaient plus volontiers nos aïeux, à cette Providence aveugle, laquelle se plairait à l’imprévoyance, et accorderait à tous d’une main prodigue et banale le salaire sans le travail. Nous croyons aujourd’hui à la puissance des efforts personnels. La confiance en Dieu la plus entière n’exclut pas chez nous le souci de notre destinée. Voilà pourquoi il y a des caisses d’épargne, même à Rome. Elles sont nées sous les auspices du pontife le moins favorable aux sentiments et aux idées mo-