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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

de prêt et d’emprunt, dans les combinaisons si multiples auxquelles il se plie, et dont plusieurs ont été découvertes sous nos yeux ? L’offre et la demande s’y laissent-elles plus qu’ailleurs ramener à des règles arbitraires, maîtriser par une autorité extérieure ? Est-il rien qui exige plus de flexibilité dans les mouvements, plus de liberté dans les déterminations, plus de sûreté délicate dans les appréciations souvent toutes personnelles auxquelles il est tenu de se livrer ? Que sera-ce s’il s’agit de pauvres travailleurs n’ayant à offrir que le gage moral de leur bonne volonté ? Ou l’État se montrera difficile, et il se rendra odieux et impopulaire, ou il se fera tout à tous, et il sera obligé, de couvrir la folle imprudence des prêts par un recours à l’impôt ; or, quoi de plus injuste et de plus funeste ? Où serait l’équité de faire payer par tous les avances faites à quelques-uns qui, pour être les plus dépourvus, ne sont pas toujours les plus méritants ? Où serait l’équité de faire faire des prêts par d’autres pauvres qui payent les impôts de consommation et plusieurs des impôts directs ? Il y aurait une nouvelle cause de misère dans cette atteinte portée à la formation du capital qui seule alimente le fond des salaires. Que d’argent perdu dans des entreprises malheureuses ! Le principe de l’organisation du crédit par l’État est donc gros de désastres. Il entraîne la banqueroute publique à la suite des banqueroutes particulières. Il associe deux termes incompatibles crédit et gratuité, et met sur le même pied le paresseux et l’homme laborieux, le dissipateur et l’économe. Il a pour conséquence le communisme absolu par l’abolition de l’intérêt, car l’intérêt entre dans le prix de toutes choses, dans les profits de toute industrie comme dans la valeur de toute propriété. Il ne peut avoir de corollaire légitime que l’exacte égalité des salaires pour tous, depuis les plus hautes charges de l’État jusqu’au dernier manœuvre. Est-il nécessaire qu’il en arrive là pour être apprécié à sa valeur ?