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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

séparés par les travaux absorbants du jour se touchent pour ainsi dire et se réchauffent. L’honnête liberté, la gaieté douce, la cordialité, ne s’accommodent pas du communisme des restaurants. Les sociétés alimentaires ont donc deux buts : suffire sur place aux besoins des célibataires, et fournir aux ménages quelques plats substantiels auxquels la ménagère ajoute ce qu’elle juge à propos, de manière à faire sentir sa douce présence au mari et aux enfants. Sous ces conditions, les sociétés alimentaires sont dignes de tout éloge. Deux plaies s’attachent à la consommation ouvrière : l’achat à crédit, et la cherté qui résulte de l’achat au détail poussé aux limites extrêmes. Anomalie blessante ! le pauvre paye tout plus cher que l’homme aisé. L’association est donc son seul refuge, et contre la nécessité du mauvais crédit, et contre la cherté qu’entraîne l’achat très-morcelé. Je ne parle pas ici des institutions connues sous le nom de fourneaux économiques, cette forme d’ailleurs trop nécessaire de l’aumône, dont la clientèle à Paris est si étendue. Je parle des sociétés alimentaires réalisant des bénéfices modestes, mais réels, comme à Saint-Quentin, comme à Grenoble, dont l’établissement de ce genre est célèbre. L’économie pour les consommateurs y est très-considérable, et l’on y voit avec satisfaction que les consommations sur place n’y tiennent pas la plus grande part. Ce n’est pas que cette consommation sur place, si utile aux célibataires, n’ait aussi sa nécessité dans certaines industries qui retiennent l’ouvrier pendant toute la durée du jour loin de son foyer. On ne peut qu’applaudir en ce sens au réfectoire institué par la Compagnie d’Orléans aux ateliers d’Ivry et tenu par des sœurs de charité. La faculté d’emporter des denrées est loin d’ailleurs d’en être exclue. Le réfectoire sert chaque jour à plus de mille employés et ouvriers qui peuvent aussi emporter dans leurs ménages des repas dont la valeur est de 65 à 70 centimes, et composés de 255 grammes de pain,