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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

aux heures de repos, et où il trouve les éléments d’un gai, salubre et fructueux labeur ?

Ceci, disons-le, n’est guère moins qu’une révolution morale en même temps qu’économique ; c’est la famille reconstruite par la propriété, et la moralité reconstituée par la famille.

Chose digne de réflexion ! l’expérience qui s’est faite à Mulhouse n’est pas moins que la reproduction sur un petit théâtre du mouvement même de la société moderne depuis plusieurs siècles. C’est ainsi qu’elles se sont formées successivement, ces familles qu’aujourd’hui encore on appelle bourgeoises ! L’amour de la propriété bien dirigé a engendré le travail, l’économie, le capital. Les procédés sont encore les mêmes parce que le cœur humain n’a pas changé, non plus que l’éternelle nature des choses, parce qu’aujourd’hui, comme aux époques où peu à peu la richesse mobilière appela un nombre croissant d’individus aux lumières et au bien-être, il y a dans la propriété une admirable puissance pour arracher l’homme aux vices de l’imprévoyance. Liberté, propriété, dignité, causes et effets tout ensemble ! Où donc est-elle, la prédication aussi efficace contre le vice que cette perspective prochaine, assurée de la propriété ? Où est l’aumône qui ait contre la misère la même puissance préventive et la même action durable ?

Nul type de cité ouvrière n’est donc à mettre en comparaison avec celui de Mulhouse, imité dans plusieurs de nos grandes villes manufacturières. Il ne s’agit pas ici seulement d’une propriété quelconque à acquérir, mais, notons ceci, d’une propriété foncière, c’est-à-dire de cette propriété spéciale qui parle le plus à l’imagination et au cœur de l’homme ; n’est-ce pas celle qui ressemble le plus à un prolongement de sa vie même ? celle qui lui fait éprouver le plus vivement l’orgueil et la douceur de dire :