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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

Et pourtant l’insalubrité du logement est souvent portée à un tel point qu’elle détruit ce chez soi si précieux, puisque sans lui, qui ne le sait ? c’est la dispersion et la ruine même de la famille. L’homme s’éloigne avec dégoût de ces affreux réduits, il s’éloigne dès lors de sa femme et de ses enfants. Parfois la femme elle-même le déserte. Ce n’est plus le foyer domestique, ce n’est plus que le lieu banal où l’on se réunit pour y dormir quelques heures. Et voila l’ivrognerie, les mauvaises distractions, l’immoralité, le vice, s’introduisant et s’établissant en permanence par cette espèce d’absentéisme d’un nouveau genre. C’est là qu’est le mal, et il est trop commun. Pour les uns, il semble inévitable, les salaires ne donnant pas de quoi vivre à la famille ouvrière ; pour les autres, plus à leur aise, le logement est la dépense sacrifiée ; on aime mieux donner plus à d’autres besoins. Il se passe chez les ouvriers juste le contraire de ce qui a lieu dans la classe supérieure, où le goût et les besoins de la vie de famille, se joignant aux exigences du décorum, portent cette dépense du logement jusqu’à l’exagération, eu égard à l’ensemble des ressources.

C’est une sorte d’association entre les patrons et les ouvriers, c’est d’abord l’association entre les premiers, sous forme de société industrielle, qui a résolu, par une combinaison ingénieuse, ce problème difficile. Les maisons de Mulhouse, ces maisons dont nous ont entretenu M. Louis Reybaud, M. Jules Simon, M. Audiganne, et plusieurs autres écrivains qui s’occupent des classes laborieuses, prennent aussi le nom de cités ouvrières ; mais elles diffèrent des cités dont nous avons parlé de toute la distance de la caserne à ce que les Anglais appellent le at home. Elles sont au nombre de plus de 700, et on en construit près de 100 chaque année. Environ 6,000 personnes les occupent aujourd’hui. C’est par le concours des patrons formant cette grande association connue sous le nom de Société