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L’ASSOCIATION. — ASSOCIATIONS OUVRIÈRES.

de cœur qui rapporte tout à elle-même. Combien voilà de freins et de stimulants ! et combien ils profitent à l’aisance particulière, à l’ordre public, à la richesse nationale ! Avec la prescription de respecter la liberté, l’association n’en connaît pas de plus obligatoire que de respecter le sentiment de la famille, sans lequel l’individu isolé n’est qu’un atome, n’ayant avec ce qui l’entoure que des rapports passagers ou fragiles.

Pourquoi les cités dites ouvrières, qui sont à coup sûr une des formes de l’association dans les classes populaires, ont-elles généralement si peu réussi, et pourquoi les maisons construites sur un autre modèle, particulièrement à Mulhouse, ont-elles obtenu un succès qui fait en ce moment notre admiration et notre espoir ? Les cités ouvrières ont échoué, parce qu’elles gênaient et inquiétaient la liberté de l’individu, et parce qu’elles semblaient en outre établir entre les familles une sorte de communauté. On n’était pas assez chez soi dans ces vastes et monumentales maisons si coûteusement construites à Paris et à Marseille. C’était parfait au point de vue de l’air et de la lumière. C’était, eu égard aux avantages matériels à un prix peu élevé. L’exécution, à beaucoup d’égards, était digne de l’intention, en elle-même fort louable. Mais ces règlements qui rappelaient la caserne, impossibles à éviter dans d’aussi populeuses habitations, ces règlements déplaisaient extrêmement. On croyait avoir toujours l’œil de la police ouvert chez soi. Partout régnaient de longs corridors où s’ouvraient les chambres et où l’on se rencontrait beaucoup trop souvent. Enfin les voisins étaient beaucoup trop nombreux pour n’être pas fréquemment désagréables, sans parler du rapprochement peu moral des ménages. Tout cela s’opposait à rendre jamais populaire l’usage des cités ouvrières. Plutôt respirer un mauvais air, plutôt un escalier humide, infect et être chez soi ! Voilà l’instinct de l’ouvrier.