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L’ASSOCIATION. — ASSOCIATIONS OUVRIÈRES.

sible, la moyenne et la petite industrie au sein de la grande société laborieuse ?

Au surplus, que demande aujourd’hui l’association ouvrière  ? Est-ce l’intervention, les subsides de l’État ? Est-ce l’emploi de la force pour l’imposer aux patrons ? Si de telles folies subsistent trop souvent encore, les travailleurs doivent s’attendre à en porter la peine. Mais non dans les exemples qui s’en produisent sous nos yeux, ce que l’association ouvrière demande, c’est tout simplement qu’on la laisse se former sans obstacles, que l’on supprime les entraves légales qui l’empêchent de se développer. Comment lui contester le droit de faire en quelque sorte son expérience dans les conditions du droit commun ?

Voyons où en est l’association ouvrière en France.

La plupart des associations ouvrières dont nous avons vu la chute depuis 1848 s’étaient formées en dehors et souvent même en haine des principes qui rendent possible une exploitation industrielle quelconque. Elles étaient nées sous l’astre mortel de l’utopie. Toutes n’étaient pas pénétrées pourtant au même degré de cette funeste influence. Ainsi il ne serait pas juste de confondre l’action exercée par la démocratie néo-chrétienne de M. Buchez, dont le journal l’Atelier fut l’organe, et qui commença dès 1831 à propager l’association ouvrière, avec les idées de rénovation radicale qui devaient un instant trôner au Luxembourg. Ceux que j’appellerais les ouvriers de l’école de M. Buchez étaient en général des hommes de moeurs rigides, réfléchis, d’une capacité exceptionnelle. Ils échouèrent pourtant dans la plupart des cas, parce que si les conditions morales sont indispensables au succès de l’association ouvrière, elles ne peuvent tenir lieu, néanmoins, des conditions économiques, qui péchèrent par plus d’un endroit. Les ouvriers qui fondèrent ces essais si honorables oubliaient qu’on peut être de très-bons travailleurs et de très-mauvais commerçants. C’est ainsi que