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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

l’entreprise un intérêt direct. N’est-ce pas ce sentiment que les commerçants savent exploiter déjà en intéressant leurs commis à un bénéfice, et que de grandes compagnies ou d’importantes maisons mettent en jeu, avec une philanthropique habileté, par une certaine participation de leurs ouvriers à leurs profits ?

Le rêve, où donc est-il ? C’est de vouloir exclure le salariat, cette forme de rémunération qui a ses avantages incontestables et sa place prépondérante dans l’industrie. L’association elle-même n’exclut pas l’emploi d’un certain nombre d’auxiliaires salariés par les associés, qui deviennent ainsi comme de petits patrons. Dans un certain nombre de cas, cette combinaison s’est réalisée et elle a bien réussi. On parle beaucoup de la société de l’avenir. Autant que nous pouvons nous en faire une idée, bien loin d’être l’exagération de l’unité, elle aura pour caractère de voir se produire et se développer librement dans leur riche variété les formes et les types les plus divers.

Le rêve encore, c’est de vouloir supprimer la concurrence. Heureusement, l’association ouvrière ne la supprime pas ; autrement, il faudrait la sacrifier ; car, quelque bienfaits qu’on puisse en attendre, ils compteraient pour peu s’il fallait les mettre en balance avec les avantages que la concurrence développe dans la production au profit de la masse sociale tout entière.

Enfin l’association ouvrière ne peut-elle, dans une certaine mesure, servir de contre-poids à ces vastes et absorbantes concentrations opérées par le capital dans bon nombre d’entreprises ? Il y aurait un danger sérieux à ce que ces concentrations énormes tendissent trop à se multiplier et à s’exagérer. Tout en souffrirait, la production et la consommation. Au lieu de l’économie dans les frais généraux, on n’aurait que les inconvénients du monopole. Pourquoi l’association ouvrière ne constituerait-elle pas en face de ces agglomérations, dans les cas où c’est pos-