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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

Il faut envisager la question avec sang-froid. L’association ouvrière en vue de produire est-elle possible, est-elle désirable ? dans quelle mesure et sous quelles conditions ?

Est-elle possible ? On l’a contesté. Des hommes d’une très-grande autorité lui ont refusé tout avenir. À ces condamnations trop sommaires l’association a répondu en existant. Elle existe en Angleterre, en Belgique, en France même. Il suffit de quelques succès durables, et nous verrons qu’il y en a même en France, – pour ôter sa valeur à l’objection d’impossibilité.

C’est bien assez que l’association ouvrière offre de sérieuses difficultés. Il s’agit d’abord de remplacer le patron, le chef d’entreprise. Comment le remplacera-t-on ? Sera-ce par le gouvernement direct des ouvriers votant sur chaque mesure, spéculant, administrant, dirigeant et travaillant à la fois ? C’est de l’anarchie pure et simple. Sera-ce par un gérant ? Sera-t-il révocable, et à quelle échéance ? Quel gérant que ce coassocié qui tremble sans cesse sous le jugement de ses pairs ? Où est son indépendance ? Un gérant, même investi de pouvoirs suffisants, aura-t-il au même degré que l’entrepreneur l’esprit des affaires ? Trouvera-t-il dans son dévouement, même convenablement rémunéré, car j’écarte l’absurde hypothèse de l’égalité des salaires, l’équivalent du stimulant puissant de l’intérêt personnel chez un homme qui engage toute sa fortune, tout son avenir et celui de sa famille ?

Ces objections sont triomphantes contre l’application de l’association ouvrière à toute l’industrie. Elles sont loin d’avoir une valeur absolue contre toute entreprise formée en dehors des cadres de l’organisation actuelle. Que des hommes de choix se réunissent, qu’ils confient à l’un d’entre eux ayant les qualités qui constituent le bon commerçant la gérance de leur entreprise, il n’y a nulle impossibilité à ce qu’ils prospèrent, à ce qu’ils trouvent dans