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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

dans les associations nombreuses, ne permettrait pas de composer le conseil d’administration, ou pourrait en exclure les membres les plus capables. Il faut permettre aux sociétés de coopération de réunir les conditions qui sont indispensables à leur existence, ou sans lesquelles elles ne peuvent avoir qu’une existence précaire, si on veut leur ouvrir la voie qui leur a si bien réussi ailleurs, si on veut que la France ne reste pas trop étrangère au mouvement qui s’accomplit à côté d’elle[1].

Malgré l’absence d’une suffisante liberté d’association industrielle, l’association ouvrière a poussé néanmoins en France plusieurs rejetons ; elle s’y présente sous diverses formes. Il nous reste à voir où elle en est aujourd’hui, et à discuter sa valeur en elle-même.

III

On ne prononce guère en France le nom de l’association sans éveiller des préventions et des craintes. Ces préventions sont antérieures à la formation et aux échecs des associations ouvrières de 1848. Toutes nos lois portent l’empreinte de cette défiance, et la libérale Assemblée constituante de 1789 a donné elle-même cet exemple, dans la crainte avouée de voir renaître ces corporations industrielles pleines d’iniquités, toutes pénétrées d’abus qu’elle faisait disparaître pour y substituer la libre concurrence dans le travail. Peut-être aussi faut-il rapporter ces préventions contraires à l’association à l’influence de la philosophie générale du temps, habituée, comme on le sait, par sa méthode même et par tous ses penchants, à

  1. Au moment où nous mettons sous presse, le conseil d’État s’occupe d’une loi destinée à faire disparaître la plupart des entraves qui empêchent la formation des associations ouvrières.