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L’ASSOCIATION. — ASSOCIATIONS OUVRIÈRES.

tique ou plutôt d’une espèce de trou noir, éclairée par un bout de chandelle, et où chacun venait vendre à tour de rôle le samedi soir. Les frais étaient faits par une cotisation de 31 c. par semaine pour chaque associé. Sachant se contenter d’un petit bénéfice sur chaque vente, mis à l’abri des pertes par la vente au comptant, qui ne souffrait pas d’exception, enfin vivant de presque rien, ils réussirent assez pour susciter bientôt contre eux une ligue de détaillants qui vendirent au-dessous du cours établi au magasin; c’était le nom qu’on donnait par moquerie à la petite boutique et qu’elle garda pour le justifier avec honneur. Ni les procès qu’on trouva moyen de leur intenter, ni de perfides manœuvres ne lassèrent leur persévérance et n’arrêtèrent leur succès. D’hebdomadaire la vente était devenue quotidienne en 1851. Avec la prospérité croissante on multiplia les entreprises. À côté du magasin général agrandi s’établirent des boutiques dans différentes parties de la ville, destinées non plus seulement à des ventes d’épiceries, mais à la boucherie, à la chaussure, au vêtement, à la draperie, à la lingerie. On fonda une bibliothèque, on établit des lectures, on créa même un enseignement professionnel. Voilà ce qu’avaient produit les 31 c. hebdomadaires donnés par chaque membre, auxquels s’étaient jointes des cotisations successives. Est-il besoin de remarquer que ceux qui menaient bien une pareille œuvre étaient des hommes de choix tant par leurs qualités morales que par leur capacité professionnelle  ? Pour qu’aucun mélange impur ne vînt compromettre l’oeuvre, les nouveaux venus étaient tenus de se faire agréer par le conseil de direction ou par l’assemblée générale. Quant aux combinaisons qui aujourd’hui encore assurent le succès de cette belle association, on les trouve aussi simples qu’ingénieuses. Chaque membre continue à verser la cotisation jusqu’à ce qu’il ait complété le prix d’une action de 25 fr. Nul ne peut avoir moins d’une ac-