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L’ASSOCIATION. — ASSOCIATIONS OUVRIÈRES.

diriger par une indiscrète ingérence. Abstenez-vous d’une intervention trop défiante. Elles couvriront de leur ombre d’inépuisables générations nées et à naître.

L’association est dans la nature même, dans les besoins impérieux de l’humanité ! Partout où elle peut se produire, elle se manifeste. Elle se plie à la diversité même des buts dont l’accomplissement constitue la destinée totale de l’humanité. Partout, au sein de la grande société, des sociétés particulières poursuivent un objet spécial. La religion pousse à l’association. Elle enfante l’Église, et, au sein de l’Eglise, combien d associations diverses, d’Ordres puissants, plus durables que des empires ! La politique pousse à l’association. Glorieuses ou coupables, publiques ou secrètes, ces associations remplissent le monde de leurs oeuvres ou de leur bruit. La Ligue, la Fronde, les clubs de la Révolution, qu’est-ce, sinon de l’association ? L’industrie pousse à l’association autant et plus que nulle autre puissance. Dans l’isolement, l’homme ne produit rien ou presque rien. L’échange est une association qui de l’individu s’étend au monde. La division du travail qui a l’air d’isoler les individus aussi bien que les tâches, cache et contient le fait de l’universelle coopération. Association aux mille replis, échange immense de services rénumérés, compensés les uns par les autres, voila la société ! Est-ce donc l’association entre ouvriers qui est nouvelle ? Pas davantage. La Grèce et Rome ont leurs corporations, leurs hétairies. Le vieux Paris travailleur du temps des Césars nous montre une association de bateliers.

Aujourd’hui l’association tend à descendre dans les plus profondes couches populaires, de même qu’à envelopper un plus grand nombre de situations de la vie. Mouvement excellent sous deux conditions : la première, c’est que la liberté individuelle et la responsabilité morale n’en souffriront point d’atteintes ; la seconde, c’est qu’elles y gagneront, car l’association n’est pas un fait indifférent ;