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L’ASSOCIATION. — ASSOCIATIONS OUVRIÈRES.

devient une cause de retardement et de faiblesse pour tous. Le correctif, c’est l’association volontaire. Malheureusement le public n’a pas encore une vue bien nette des conditions du problème qu’il est appelé à résoudre : aussi le progrès que nous signalons ne peut-il être improvisé : c’est un but vers lequel nous avançons un peu tous les jours. Entre la dissolution des anciens liens et la formation des liens nouveaux qui, sous l’empire de l’égalité civile, doivent réunir et coordonner les forces individuelles, il devait y avoir un état intermédiaire, une époque transitoire, agitée difficile, livrée aux passions et aux controverses des hommes. Cet intervalle, plein de difficultés et de périls, nous sommes près de le franchir : on peut en apercevoir distinctement la ligne extrême. » Ces paroles de Rossi contenaient la critique des économistes trop systématiquement indifférents ou hostiles aux progrès de l’association, donnaient raison non pas certes aux vains rêves et aux faux systèmes mais aux pressentiments et aux appels de ceux qui invoquaient l’association comme un des remèdes aux souffrances des classes ouvrières. Ce que M. Rossi, cet esprit ferme et judicieux, si peu enclin lui-même aux illusions de l’utopie, annonçait en termes si clairs et si assurés, est en voie de se réaliser. On dirait que nous touchons à cette ligne extrême qu’il est dans la destinée de la moitié du XIXe siècle de franchir. C’est un mouvement qui fait peu de bruit. Mais la tâche des esprits sérieux, dans l’ordre de la politique et de l’économie sociale, est de se montrer attentifs à ce sourd travail par lequel les sociétés se modifient jour à jour. À croire épuisées toutes les combinaisons économiques, il y aurait une illusion extrême. Le monde ne s’arrête pas. Il se transforme lentement, mais sans cesse. Pendant que l’on répétait encore les paroles d’Aristote en faveur de la perpétuité de l’esclavage, l’esclavage achevait de s’en aller. Puis ç’a été le tour du servage, des corporations. Le travail libre, lui aussi,