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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET L’ASSISTANCE.

suffisamment suivi ? Voyez ce qui se passe un jour de paye. Combien de fois ne faut-il pas que la mère de famille dispute à l’ivrognerie le pain de ses enfants, le prix de son loyer ! La perte occasionnée à l’industrie par ces vices et par ces interruptions systématiques du travail est incalculable. L’eau-de-vie absorbe avec les autres liqueurs fortes et le vin du cabaret une partie de la subsistance de la famille. Au budget de l’ivrognerie, il faut joindre celui du libertinage. Je n’ai pas à retracer un tableau esquissé maintes fois avec une exactitude accusatrice par les meilleurs amis de la classe ouvrière. Toutes ces peintures sont d’accord entre elles.

La réforme économique peut aider à la réforme intérieure. En favorisant la liberté des efforts, les associations utiles, les épargnes fructueusement placées, on contribué à la moralisation en même temps qu’à l’aisance des ouvriers, on crée toutes sortes de points d’appui et d’utiles auxiliaires à quiconque a bonne intention et bonne volonté, on conjure enfin beaucoup de ces tentations qui font tomber l’individu dans l’abîme de la misère et ne lui laissent ensuite d’autre planche de salut que l’assistance, remède, on l’a vu, si précaire, souvent si trompeur. Mais, si je place très-haut l’importance des réformes économiques, même au point de vue de leur contre-coup moral, c’est l’homme intérieur directement, c’est la pensée, c’est le cœur, c’est la volonté qu’il faut modifier avant tout ; tout le reste sera donné comme par surcroît. Les moyens de solution de l’ordre purement économique se font, dès à présent, suffisamment entrevoir pour que ce ne soit plus là le principal desideratum de l’amélioration du sort populaire, il est dans la moralité ! Là est l’unique, l’infaillible pierre de touche des systèmes d’organisation du travail comme de tous les systèmes d’assistance qui prennent le mal pour ainsi dire par ses côtés extérieurs au lieu de l’attaquer au dedans et dans sa source.