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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET L’ASSISTANCE.

plus profonde encore à son bien-être. Tout ce qui entretient la paresse et l’imprévoyance ne tarit-il pas le bien-être à sa source même ?

En partant de ce principe que la meilleure assistance est celle qui tend à rendre le secours inutile, on arrive à cette conséquence que l’assistance intellectuelle est celle qui se justifie le mieux de la part de l’État et de la société. L’instruction rend l’homme plus libre. La moralité qui l’affranchit du joug des passions grossières est la plus vraie des émancipations. Tout ce qui a pour objet de favoriser dans les classes ouvrières l’éducation générale et spéciale, d’y détruire les mauvaises habitudes, qui pèsent si lourdement sur leur modeste budget en même temps qu’elles portent un si triste préjudice à leur dignité ; telle est, sans exclusion absolue et systématique des autres formes de l’assistance purement matérielle, mais sans illusion aussi sur leur portée, telle est, disons-nous, l’assistance la plus féconde qui puisse être donnée aux ouvriers par une société civilisée. J’ai pris soin de rappeler moi-même tout ce qui doit être attribué aux chances mauvaises d’une lutte inégale contre la misère qui met certains hommes dans la nécessité d’être assistés. Mais quelle part n’y aurait-il pas à faire à l’incurie, à la dissipation, au vice ! Ah ! quand on parle de la liberté du travail et des obstacles qui s’y opposent encore, il faut oser signaler ceux qui viennent des vices des classes ouvrières. Certes, il y a partout des vices. Quelle classe en est exempte ? Mais n’ont-elles pas les leurs qui trop souvent sont hors de toute mesure, et qui créent de permanentes entraves à leurs progrès ? Ce ne sont pas seulement des causes qui rendent l’assistance momentanément nécessaire, ce sont, chose plus grave ! des principes durables de gêne et d’abaissement. La classe ouvrière des villes a des qualités touchantes, elle déploie parfois des vertus admirables. Quelle classe a plus de sympathie pour la souffrance ? Chez