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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

Nous n’avons pas à raconter dans ses détails cette triste expérience, dont les gouvernants de cette période révolutionnaire se rejetèrent la responsabilité les uns aux autres. Il était peut-être inévitable d’ouvrir, comme dans les crises précédentes, des ateliers de travail. Mais la vaste extension que prirent ces ateliers, et le nom même qu’ils reçurent, beaucoup moins modeste que leur désignation d’ateliers de charité, se rattachent à la pensée générale dont le gouvernement et dont les chefs démocratiques étaient alors fort préoccupés. Cette pensée était pour les plus avancés de faire accaparer progressivement l’industrie par l’État, qui l’eût organisée en ateliers sociaux, pour les autres, c’était d’accroître du moins les attributions du gouvernement, particulièrement dans la charité. Aussi ne vit-on jamais, autant qu’à cette époque, se manifester les inconvénients et les dangers de ces établissements. On s’y précipita. Les cadres de l’industrie privée se vidèrent chaque jour à leur profit. Plusieurs ont porté au chiffre de 110 ou 120,000 cette masse d’hommes déclassés parmi lesquelles figuraient en certain nombre des individus appartenant aux professions libérales. La fainéantise et le désordre y furent portés au comble. On n’y organisa guère que des manifestations politiques. Tout ce qu’on peut dire pour les excuser, c’est qu’on souffrait beaucoup. Les seuls travaux presque étaient des terrassements sans but pour la plupart. Paris se sentit pendant plusieurs mois aux mains de cette armée du désordre qui devait fournir aux journées de juin une partie de leurs combattants.

Ce qu’il importe de remarquer, c’est que les maux qui sortirent de cette expérience faite en grand des ateliers de travail, résultèrent moins peut-être de circonstances accidentelles que de leur nature même. Combien il est difficile de créer instantanément des travaux publics pour fournir de l’emploi aux ouvriers inoccupés ! Rien n’est prêt, ni les plans, ni les devis, et d’ailleurs quelles entre-