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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

refus d’hospitalité, ou par l’unique plaisir de faire le mal.

Je crois donc pouvoir conclure que l’interdiction de la mendicité est réellement une mesure commandée par la moralité publique et par la prudence. Mais qui ne sait aussi que cette mesure, là où elle est prise, n’est jamais complètement exécutée ? Le public se fait complice des mendiants, et il y a en réalité des cas de force majeure devant lesquels la police reste désarmée. Une foule d’abus se glissent à l’abri de ces cas prétendus exceptionnels ! Malgré les pénalités existantes, on mendie dans nos villes, tantôt en simulant un petit commerce, tantôt dans l’ombre, quelquefois au grand jour : des ouvriers sans ouvrage, ou même en ayant, y cherchent un équivalent ou un supplément de leur salaire ; on mendie à jour fixe dans les campagnes. On ne saurait dire dans quelle proportion les valides se mêlent aux non-valides dans cette armée de la fainéantise. Enfin cette mesure de l’interdiction de la mendicité n’est pas générale. La législation manque d’uniformité. L’article 274 du Code pénal porte Toute personne qui aura été trouvée mendiant dans un lieu pour lequel il existera un établissement destiné à obvier à la mendicité, sera punie de trois à six mois d’emprisonnement, et sera après l’expiration de sa peine, conduite au dépôt de mendicité. Loi sévère, peut-être à l’excès, et peu exécutée !

Combien elle serait longue et sinistre la liste des répressions terribles essayées contre ce mal que rien n’a pu déraciner !

De vieilles ordonnances royales, à partir du XIVe siècle, condamnent les mendiants à travailler par force aux travaux publics, à l’emprisonnement, aux galères, au carcan, au bannissement. Tout en maintenant des pénalités contre la mendicité, la philanthropie de notre siècle ne pouvait s’accommoder de ces mesures non moins ineffi-