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LA MENDICITÉ.

dicité est un fléau social : c’est le parasitisme à l’état chronique ; c’est l’exploitation régulière de la charité par l’hypocrisie ; c’est une école ouverte de dépravation. Toute société régulière doit tendre à fermer cette plaie à la fois honteuse et dangereuse, et c’est, nous le répétons, un but qui semble s’imposer plus étroitement à nos modernes démocraties qui demandent aux derniers de leurs membres de l’énergie et de la dignité.

Le remède n’est pas facile à trouver. En principe, la mendicité doit être interdite. La mendicité chez les hommes valides étant un véritable vol fait à la communauté et aux vrais pauvres, la liberté de la mendicité, qui compte quelques partisans, n’est pas autre chose que la liberté du vol. C’est une prime offerte à quiconque voudra spéculer sur la crédulité publique. Non, la communauté ne saurait souffrir dans son sein l’exercice régulier d’une profession qui consiste à se dispenser de tout travail utile. Non, il n’est pas possible d’admettre la formation en pleine civilisation de troupes de nomades vivant dans la promiscuité, se transmettant le germe de tous les vices moraux et physiques, et rejetant sur la société le soin de pauvres petits êtres nés de parents de hasard.

Sans doute on pourra répondre que la liberté de mendier a pour correctif la liberté de ne pas faire l’aumône aux mendiants. Ah ! craignons de mettre la sympathie humaine à de pareilles épreuves. Ce serait trop risquer de l’endurcir aux vrais maux. Comment croire que les bons cœurs cesseront de se laisser prendre à des piéges si bien tendus ? Enfin, lorsque la mendicité a reçu une certaine extension, ne sait-on pas qu’elle usurpe les airs exigeants qui conviennent à des droits acquis et le ton arrogant de la menace ? Laisser s’en former les cadres, c’est préparer ceux du vol avec ses bandes organisées. La présence de mendiants dans un pays y est cause de nombreux incendies, sous le prétexte de tirer vengeance du