Page:Baudrillart - La Liberté du travail, l’association et la démocratie.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

inférieures au malheur qui les frappe ? Ces ressources, d’ailleurs, il ne les ont pas toujours sous la main et, en attendant, il faut qu’ils vivent. Êtes-vous d’ailleurs bien sûrs que ce qui a pu manquer à la prévoyance des uns autorise les autres à devenir complètement impitoyables ? Sans doute l’État a pu trop souvent agir avec imprudence, ne pas mesurer assez exactement ses dépenses à ses ressources, et surtout tenir trop peu de compte de ce qu’il y a de dangereux à encourager l’incurie des pauvres. Mais toute bonne oeuvre a ses périls, ses écueils, ses commencements laborieux, son apprentissage à faire, et la bienfaisance publique, elle aussi, est un art long et difficile. Ses progrès sont-ils contestables ? Les hôpitaux sont mieux tenus qu’autrefois. Les secours sont mieux distribués, avec plus d’ordre et de connaissance de cause. Les établissements d’enfants trouvés ne sont plus des foyers de mortalité et de criminalité comme il y a quelques années encore. Les salles d’asile et les crèches sont devenues des établissements modèles. L’administration de l’assistance s’est améliorée, et chaque jour elle s’améliore. On ne saurait l’accuser de pousser à l’imprévoyance par l’excès de générosités imprudentes. La moyenne des secours pour chaque individu assisté était, il y a peu d’années, en moyenne de 12 fr. Chiffre éloquent qui suffirait à prouver que, sans les ressources et le zèle de la charité privée, les indigents ne rencontreraient qu’une assistance des plus médiocres !

Ces raisons très-fortes, toutes de nécessité et de pratique, n’infirment point les conséquences tirées par l’économie politique sur les effets d’une charité légale qui tendrait à s’accroître au lieu de tendre à se resserrer. L’économie politique a raison dans ses protestations en faveur de la responsabilité et de la dignité humaine, dans ses allégations sur les effets désastreux des mesures qui y sont contraires, relativement à la richesse publique et à