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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET L’ASSISTANCE.

comme elle, animée d’un sincère désir du bien, elle ne les analyse que pour les prévenir par un traitement approprié ou pour les guérir par des remèdes plus efficaces, fussent-ils aussi plus héroïques.

Mais il n’est pas encore achevé le triste bilan de la charité officielle ! Qui ne sait qu’elle ne saurait avoir lieu sans un immense et coûteux appareil administratif absorbant une partie des revenus publics ? Le pauvre du moins en aura-t-il quelque reconnaissance à la société ? Et comment serait-il reconnaissant ? Comment ne s’habituerait-il pas vite à considérer au contraire le secours périodique comme une rente qui lui est due ? Essayez de la diminuer, à plus forte raison de la supprimer, vous excitez une haine sourde, et, peut-être, la révolte armée. Le contribuable lui-même ne se considérera guère comme un bienfaiteur ; est-ce donc une chose faite pour attendrir le cœur que de payer un impôt ? On peut douter d’ailleurs que le mobile qui le pousse soit la sympathie et non le souci exclusif de sa sécurité. Voilà donc à quoi auront abouti les défenseurs à outrance d’une charité mal entendue : ils auront tué la charité même en faisant du sentiment le plus libre, le plus spontané qui soit au monde une sèche obligation, un chiffre inscrit au budget, ils auront rompu les liens doux et sacrés qui unissaient le bienfaiteur et l’obligé, ils auront mis en face l’une de l’autre la faim habile à exploiter la peur, et la peur qui se hâte de jeter son obole à la faim pour la désarmer !

Les économistes n’ont pas craint d’entrer dans les plus grands détails ; ils examinent tour à tour les diverses institutions charitables dont la société est le plus portée à se prévaloir comme d’un témoignage de sa sollicitude pour les classes ouvrières. Ateliers et maisons de travail, distributions de secours à domicile, hôpitaux et hospices, crèches, reposoirs, enfants trouvés, salles d’asile, toutes ces inventions, dont quelques-unes pa-