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L’ÉCONOMIE POLITIQUE ET LA DÉMOCRATIE.

vérité historique ? La croyance à la liberté responsable, à l’égalité naturelle des hommes entre eux est contemporaine du christianisme lui-même, date de lui, et ne s’en est pas séparée jusqu’à présent. C’est par là que l’idée même de la démocratie en est sortie[1]. La vérité morale elle-même, mêiée de plus d’une erreur, était chezles anciens le privilége d’une élite de penseurs. Le christianisme l’a faite peuple. Les plus déshérités, les plus misérables des hommes ont cru à la dignité de cette vie sous la sanction de la vie future. Ils ont cru qu’à ce titre il n’y avait nulle différence entre les hommes, et qu’ici les privilèges de naissance et de fortune n’étaient comptés pour rien, que même le riche avait plus de peine que le pauvre à entrer dans le royaume céleste. Si l’état de conquête et de violence, si la barbarie a empêché longtemps les conséquences sociales de ces dogmes de se produire toutes ; si plusieurs grands faits sociaux en ont été même la contradiction et le vivant démenti, il n’est pas moins vrai que dès le moyen âge l’esclavage antique avait disparu, que l’idée de la fraternité chrétienne avait créé des œuvres prodigieuses, que la charité pour les pauvres, la protection pour les faibles avaient embrasé les âmes et fondé de grandes institutions, et qu’enfin l’Église était dans son organisation même l’expression visible de ces idées démocratiques d’égalité.

  1. Des textes très-précis, cités par M. Augustin Thierry dans son Introduction à l’Histoire du Tiers-État, nous montrent des rois de France et des seigneurs invoquant contre le servage l’idée que tous les hommes ont été créés francs et libres et rachetés par le Christ tels, par exemple, Louis le Hutin, le sire de Clermont, etc. etc.