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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

se met à pulluler, et multiplie sans mesure la race des prolétaires ! … Dès lors la société tourne dans un effrayant cercle vicieux. Ce qu’elle fait pour les pauvres retombe sur elle en aggravation continue de charges et sur eux en aggravation continue de misère. Tout ce qu’elle jette dans le gouffre béant du paupérisme ne sert qu’à le creuser chaque jour davantage. Et comment avec une activité qui s’amoindrit et une épargne nulle les pauvres espéreraient-ils une amélioration durable dans leur sort ? comment, poussés par leur nombre et par leur avilissement à la dernière limite des salaires, ne seraient-ils pas condamnés à tomber au plus bas degré de l’humanité ? Il faudra augmenter les secours eu égard à la quantité des hommes et au taux de plus en plus insuffisant de la rémunération du travail, deux maux qui iront s’aggravant l’un par l’autre. Alors viennent, suivant la loi terrible dénoncée par MALTHUS, la maladie et la mort qui signifient aux membres parasites l’ordre du départ, frappant à coups redoublés sur une population exubérante, assez pour l’empêcher de couvrir tout un pays, pas assez pourtant pour en prévenir la surabondance. — On prendra, dit-on le parti de réduire les secours au plus strict nécessaire. – Il n’importe. À mesure que l’homme se dégrade, qui ne sait qu’il se contente d’un minimum de satisfaction ? On s’accoutume à la saleté, aux haillons, à la plus détestable pitance pourvu qu’elle soit assurée. On la préfère même au travail. Ne dites-pas que ce sont là des exagérations et des rêves ! L’Angleterre a établi une taxe des pauvres, et ce sombre tableau s’est de point en point vérifié, Ne dites pas que de telles paroles sont un outrage à l’humanité ! La philanthropie la mieux entendue, c’est la vérité dite au peuple. Ne dites pas enfin que la science qui érige de pareils faits en axiomes est odieuse et sans pitié. Elle n’est pas plus coupable des maux qu’elle constate que la médecine n’est responsable des maladies qu’elle décrit, et,