Page:Baudrillart - La Liberté du travail, l’association et la démocratie.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
181
LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET L’ASSISTANCE.

crises industrielles, chômages, baisses de salaires, infirmités, blessures, maladies, vieillesse, famille nombreuse à soutenir, Qu’il s’habitue donc à compter sur lui-même, et il réglera en conséquence la quantité de son travail et ses dépenses journalières. Les époques de prospérité au lieu de profiter à sa dissipation profiteront à ses épargnes. Toute une série d’heureuses conséquences en naîtra. Sa valeur morale en sera augmentée, et avec elle sa valeur productive. Au lieu de peser sur les ressources publiques, il ne fera qu’y ajouter premier gage de l’élévation des salaires qui se mesurent sur la quantité du capital disponible. Par une suite nécessaire du même principe, il se gardera des mariages trop précoces ou faits dans de mauvaises conditions, ce qui préviendra l’excès de la population ouvrière, excès si redoutable pour elle et cette seconde cause n’agira pas moins sur les salaires dans le sens de la hausse, l’offre du travail devenant plus rare en présence du capital devenu plus abondant. Les misères accidentelles subsisteront ; eh ! sans doute ; car le meilleur régime économique ne saurait entièrement les faire disparaître. Mais pour y pourvoir on aura comme auparavant la charité des riches, et on aura de plus qu’auparavant le secours fraternel donné plus facilement à l’indigence par toute une population laborieuse et aisée. Faites au contraire que l’assistance devienne une sorte de dette publique, faites que le pauvre puisse y compter avec certitude, et toutes les conséquences opposées se tirent d’elles-mêmes avec une logique aussi impérieuse que redoutable. Au lieu de se fortifier comme il est nécessaire dans une société digne et libre, le sentiment de la responsabilité fléchit dans la proportion même de l’assistance promise, le travail se ralentit, la prévoyance et succombe. Ce n’est plus simplement la pauvreté qui frappe à la porte, c’est le paupérisme ! La mendicité devient un état : La misère abrutie et rassurée