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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

De la part de l’individu il n’y a pas un droit à être assisté, mais il y a devoir de secourir le malheur et ce devoir s’étend à l’État ; sous quelles conditions sera-t-il bienfaisant et non nuisible, conforme et non contraire aux principes de la liberté ?

Pourvu qu’elle soit éclairée, la charité privée ne compte que des partisans. Il n’en est pas ainsi de la charité par l’État, par les départements et par les communes. Les économistes ont tenu en général sur la charité officielle un langage très-sévère. Voici en substance quelle est leur manière de raisonner à laquelle je comparerai tout à l’heure celle dont ont coutume d’user les partisans de la charité légale. Nulle part, peut-être, les intérêts de la démocratie ne sont plus directement en jeu que dans cette question controversée.

Le devoir de la prévoyance, disent les économistes, a besoin d’une sanction. Cette pénalité naturelle, attachée à l’infraction de tous les devoirs, ne fait pas non plus défaut à celui-ci, c’est la gêne, c’est la misère qui se lie à l’imprévoyance comme le châtiment au délit. Voilà l’expiation providentiellement réservée à la paresse, à l’insouciance, à toutes les habitudes vicieuses, expiation sans laquelle l’humanité n’aurait pas fait un seul pas en avant et dormirait encore au sein d’une incurable indolence, expiation qui est là toujours sous les yeux du travailleur comme une apparition menaçante, comme le stimulant de toutes les heures, qui ne permet ni à son activité de sommeiller ni à sa prévoyance de s’étourdir ! Quelle image de la responsabilité qui pèse sur lui que les privations de toute une famille ! Quelle perspective en revanche que celle d’échapper à son tour, grâce à des efforts soutenus, à la misère qui a pesé originellement sur tous les hommes ! L’ouvrier n’ignore pas qu’il est exposé à certaines chances mauvaises,

    un écrit intitulé le Droit au travail et la Propriété, où il conclut, il est vrai, contre la propriété.