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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

éclairées, délicates, n’y aurait-il pas toujours de grandes exploitations théâtrales consacrées à l’opéra, à la haute comédie ? Il faudra toujours un personnel façonné de longue main et approprié à une destination particulière. Il est vraisemblable que les scènes même secondaires devront à la faculté de représenter des ouvrages de différents genres une variété qui relèvera plus le niveau de l’art qu’elle ne l’abaissera. Le grand mal, après tout, que les masses rencontrent sur des scènes moins nobles que le Théâtre-Français les chefs-d’œuvre qu’on y joue, et qu’on leur verse un peu de la même liqueur dans une coupe d’un métal un peu moins précieux ou d’une forme qui sera moins achevée ? Ici encore comment ne pas être de l’avis de M. Janin, lorsqu’il disait « On parle du respect que l’on doit aux chefs-d’œuvre. Je répondrai d’abord que les acteurs des théâtres secondaires ne sont pas si médiocres qu’on veut bien le dire. Je demanderai ensuite si, par respect pour les œuvres de Raphaël, on empêche un mauvais graveur de les reproduire ? Non certes, et l’on a raison ; il vaut beaucoup mieux voir sur les murailles d’un appartement une mauvaise image de la Vierge à la chaise que d’y voir une excellente gravure d’un ouvrage immoral et défectueux. »

Au point de vue où je me place dans cet écrit, je ne ferai plus qu’une remarque, c’est qu’il ne saurait plus y avoir un art d’État quand il n’y a plus ni industrie d’État, ni religion d’Etat. Si c’est l’importance des choses qui justifie la main-mise de l’État sur la pensée et l’activité humaine, la religion le mérite bien sans doute autant que l’art dramatique, et il faudra croire que Louis XIV révoquant l’édit de Nantes avait raison. Laissez donc nos goûts libres comme nos consciences. Même en admettant qu’il est du droit et du devoir de l’État de proposer au goût public quelques modèles reconnus par l’admiration générale des générations en y consacrant quelques établissements spéciaux, de