Page:Baudrillart - La Liberté du travail, l’association et la démocratie.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
175
LIBERTÉ DES THÉÂTRES

phatique et au violent, et qu’elle va au beau, au sublime, à l’excellent. Puisqu’on cite les auteurs classiques, n’est-ce pas la foule qui aujourdhui encore, dans les représentations gratuites, applaudit le Cid dont le public a fait le succès plus peut-être que les purs lettrés ? Faites des lectures populaires. Élevez le niveau général de l’éducation. Pourquoi la masse, qui a montré qu’elle sent et apprécie la grande musique, dans les concerts populaires, resterait-elle insensible à la grande poésie si on lui en ouvre les sources ? Aux lettrés le privilége des finesses de l’art, à tous le sentiment et là jouissance du grand et du beau !

On attachera moins d’importance à la limitation des genres et à tout cet échafaudage d’organisation plus ou moins régulière, lorsqu’on voudra bien songer que l’organisation théâtrale, qui date de Louis XIV, avait son type dans les corporations d’arts et métiers dont chacune était parquée dans une spécialité distincte d’où elle ne pouvait s’écarter.

Les théâtres ne faisaient alors qu’obéir à la loi commune. Il était interdit à un théâtre d’empiéter sur le domaine d’un autre, comme il était défendu à un métier, sous peine d’amende, d’usurper les procédés et les matières employés par un autre métier. Une pensée d’art s’est mêlée, nous ne le nions pas, pour le Théâtre-Français et pour l’Opéra, à cette idée de l’exploitation par le monopole, qui a été la condition universelle du travail jusqu’en 1789. Qu’on nous dise donc quel grand parti il y aurait à tirer aujourd’hui de la limitation des genres ? « Y a-t-il des genres maintenant  ? disait spirituellement un critique célèbre, M. Jules Janin, entendu dans l’enquête de 1849. Prenez un vaudeville en cinq actes, ôtez-en les couplets, ce sera une comédie prenez la dernière comédie jouée au Théâtre-Français, mettez-y des couplets, ce sera un vaudeville. » On craint la démocratie dans l’art au sens le pire du mot. Pourquoi dans une société où il y a des personnes riches,