Page:Baudrillart - La Liberté du travail, l’association et la démocratie.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174
LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

sont réduits à regarder comme une véritable subvention. Forcer de faire les frais d’une coûteuse représentation pour un public absent pendant les chaleurs caniculaires, n’est-ce donc pas une condition aussi étrange qu’onéreuse ? Que diriez-vous de l’obligation qui contraindrait un établissement de bains froids, dit privilégié, à rester ouvert au mois de janvier ?

Arrivons à cette question d’art qui soulève le plus de défiances. Ici encore je crois que la démocratie est intéressée à la liberté. Il y a un art démocratique. J’entends par là non pas l’art baissant de niveau, mais élevant les masses jusqu’à lui, et se mettant en rapport plus intime avec elles que ne le font trop souvent des tragédies et des comédies supérieures, admirables, immortelles, mais enfin représentation un peu vieillie et peinture qui ne sauraient nous suffire d’une société qui n’est plus.

Quelques personnes redoutent qu’un accroissement de liberté n’amène la décadence de l’art ou pour le moins n’y contribue ; elles jettent un regard attristé sur cette destruction de la limitation des genres attribués chacun à un théâtre. N’était-ce pas en effet édifiant chaque genre sauvé sinon de la décadence, du moins de la déchéance, maintenu dans sa pureté ? La tragédie pure, la comédie pure, le vaudeville pur. La décadence de l’art par la liberté, nous n’y croyons pas, quant à nous, pas plus que nous ne croyons à l’efficacité de l’intervention de l’autorité pour maintenir son niveau et assurer ses progrès. Quand a-t-on vu jamais ce phénomène de l’art se développant et s’élevant à l’aide de règlements d’autorité ? L’atmosphère de l’art est la liberté. Faut-il citer l’antiquité elle-même, prise si souvent ici comme type absolu du beau ? On parle de moyens grossiers d’attirer la foule. Que peut véritablement ajouter à ce que nous voyons en ce genre l’ouverture de quelques nouveaux théâtres ? Il est égaiement vrai de dire que la foule va au bas et au bouffon, à l’em-