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INTRODUCTION.

peut appeler la démocratie civile. Chacun sait qu’elle consiste dans l’exclusion des injustes priviléges, dans la liberté de posséder, de travailler, de vendre, de s’associer, de choisir et de pratiquer tel ou tel culte, dans l’égalité devant la loi et devant l’impôt, dans l’égale admissibilité de tous les citoyens d’un État à tous les emplois, dans le mérite personnel comme base de rémunération, enfin dans l’élévation du niveau matériel et moral de la masse comme but suprême. La démocratie ainsi comprise est un fait moderne. On peut lui assigner plusieurs origines. C’est remonter à la plus haute que de se reporter à cette pensée que les sociétés modernes se sont formées sous l’influence du christianisme, qui a complètement changé le point de vue général auquel l’homme se considère lui-même et envisage la société. L’homme, selon la solution religieuse qui prévaut dans le monde occidental depuis plus de dix-huit siècles, solution qui inspire, domine, pénètre même ceux qui n’admettent point le caractère divin du dogme, l’homme est un être sacré en tant qu’homme sacré à ses propres yeux, sacré aux yeux de ses semblables. Selon ce dogme qui, je le répète, a passé pour ainsi dire dans le sang de tant de générations successives, hommes et femmes, faibles et forts, ignorants et savants, riches et pauvres, l’homme a un prix immense. Tous les enfants du même Dieu sont frères. Tous les fils d’Adam sont égaux dans la chute. Tous les membres du Christ sont égaux dans la rédemption. Est-il présumable que de telles croyances n’aient pas eu sur la société une influence profonde ? Le soutenir n’est-ce pas mettre entre soi tout ensemble les règles de la probabilité morale et la