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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

aérées, ces couloirs obscurs, étroits, étouffés, auxquels on ne peut songer sans frémir, en cas d’incendie, et cette attente du public, prolongée et en plein air par tous les temps, à laquelle on donne une désignation caractéristique. Il faut bien reconnaître que ce n’est pas la libre concurrence qui a engendré ces faillites plus nombreuses dans cette industrie privilégiée que dans toutes les industries libres ; que ce n’est pas elle qui a produit tant de mauvaises gestions. Non ; on acquiert, en parcourant l’enquête faite en 1849, cette conviction que le régime de l’autorisation a eu ici des effets particulièrement fâcheux, qu’il a tendu à multiplier outre mesure les entreprises par l’appât trompeur du privilége, et par l’obsession des demandes adressées au gouvernement trop souvent entraîné à confier l’administration des théâtres à des protégés peu capables. On craint qu’il ne se forme, du moins momentanément, sous l’empire de la liberté, plus d’entreprises théâtrales que n’en comportent les besoins publics. Cela commence en effet, quoique sans beaucoup d’excès ; mais cette perspective est-elle si effrayante qu’on le dit ? La concurrence, qui est le plus efficace des stimulants, le plus propre à faire naître les perfectionnements désirables, ne tarde pas à devenir aussi le plus énergique des freins aux entreprises folles ou trop nombreuses en évinçant brutalement, mais sûrement, les imprudents et les incapables. Enfin disons tout : Est-ce donc sous le régime de la liberté qu’on a vu les auteurs dramatiques tantôt être à la merci des acteurs, ce qui indignait tant Beaumarchais, tantôt former cette association puissante qui a tous les caractères d’une de ces coalitions jusqu’à ces derniers temps prohibées par la loi, et qui met les auteurs dramatiques en état de dicter leurs conditions aux théâtres ? Est-ce donc sous le régime de la liberté que l’on a vu la profession d’artiste dramatique le plus souvent misérablement précaire, surtout dans les départements, et quelquefois au con-