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LIBERTÉ DES THÉÂTRES

toires des théâtres principaux en faisant cesser la délimitation légale des genres mérite de même particulièrement d’être loué. Des chanteurs pourront faire entendre en plein air un chant emprunté à quelque chef-d’œuvre musical sans commettre un crime de lèse-Opéra ; des acteurs pourront exécuter une scène comique avec le déguisement qui convient à leurs rôles, sans manquer au respect dû aux théâtres autorisés. La troupe de tel théâtre que je pourrais nommer pourra jouer une pièce de Marivaux sans s’exposer, par cet empiétement sur le domaine du Théâtre-Français, à recevoir, comme cela lui arriva il y a quelques années, du papier timbré.

Est-il possible que le décret qui supprime de telles entraves, si peu compatibles avec les principes qui régissent la société française, excite la défiance de bien des personnes  ? Il est certain que la liberté théâtrale a été longtemps vue de mauvais œil par une portion assez considérable de la presse et du public. Ne nous étonnons donc pas si quelques préventions subsistent, quoique l’expérience encore récente que nous en faisons ne paraisse pas fort effrayante. Rappelons quelques-unes de ces préventions, non-seulement pour la question en elle-même qui touche au travail intellectuel dans notre société démocratique, mais parce qu’on retrouve et ces préventions et ces arguments dans bien d’autres questions analogues.

Avant de faire à l’avance le procès à la liberté, qui restera, on ne l’ignore pas, bien limitée par la censure, ne faudrait-il pas voir ce qu’a produit le régime du privilége, ce régime que ne supprime qu’incomplètement le décret du 6 janvier 1861, puisqu’il laisse subsister en face des théâtres ne relevant que d’eux-mêmes les théâtres largement subventionnés ? On est bien forcé d’avouer que ce n’est pas cette liberté industrielle à laquelle on est toujours prêt à n’attribuer que des sottises et des écarts, qui a fait ou vu naître ces théâtres mal construits, ces salles mal