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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

duire le plus de coalitions d’ouvriers. Les coalitions et les grèves anglaises fournissent la plus triste preuve des dangers et de l’impuissance trop ordinaires de ce moyen employé hors de propos et sans nécessité véritable. L’industrie interrompue, non-seulement dans le genre de travail où la coalition éclate, mais dans tous les travaux qui tiennent à celui-là par des liens de solidarité, la société troublée, la rue ensanglantée quelquefois, et, de la part des ouvriers, des fonds de réserve montant jusqu’à 600,000 fr. dévorés, pour aboutir à des capitulations dont ils ont à la fois la honte et le préjudice, voilà malheureusement l’historique de la plupart des grèves. C’est vrai des fileurs de Manchester, des mineurs des comtés de Northumberland ou de Durham, comme de toute autre industrie. Il ne faudrait pas pourtant se laisser ébranler et décourager par ce spectacle, surtout en France, où les ouvriers forment des agglomérations moins nombreuses, moins disciplinées et moins riches d’épargnes. Chose remarquable ! les coalitions sont devenues moins fréquentes et moins formidables en Angleterre depuis qu’elles y sont libres. Pratiquées avec modération et s’appuyant sur de justes motifs, elles n’ont pas été toujours un procédé inefficace. Enfin, ce qui ne forme pas l’élément le moins considérable de la question, il est impossible de calculer dans quelle mesure la crainte de voir de justes coalitions se produire agit sur l’esprit des chefs d’industrie, pour hâter de leur part le moment des concessions équitables.

De quoi donc s’agit-il ? D’ôter aux coalitions ce qui en a fait jusqu’à présent les inconvénients et les périls. Nous croyons que c’est possible dans une très-forte mesure. Nous ne parlons pas seulement de la nécessité de réprimer les actes de violence. Il y a malheureusement une sorte de violence qui échappe à la loi. Tel ouvrier a l’air de faire partie librement d’une coalition et obéit par crainte ou respect humain à un mot d’ordre. L’ac-