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LIBERTÉ DE COALITION

qu’à la dernière extrémité. Comment neutraliser cette ligue, si ce n’est en permettant celle des ouvriers ? C’est ce que les Anglais ont fini par reconnaître, après avoir longtemps interdit les coalitions sous les peines les plus sévères, et, disons-le, les plus impuissantes. Le législateur français était en contravention complète avec ce principe d’égalité avant la loi de 1850, puisqu’il punissait avec autant d’indulgence les coalitions de maîtres qu’il sévissait avec rigueur contre les coalitions d’ouvriers. La loi de 1850 a cherché à se montrer plus équitable. Elle était la même pour les ouvriers et pour les patrons. Elle punissait les uns et les autres, s’ils étaient simples participants au fait de coalition, d’un emprisonnement de six jours à trois mois, et d’une amende de 16 fr. à 3,000 fr. ; et, s’ils étaient chefs et moteurs, d’un emprisonnement de deux à cinq ans. L’égalité recevait donc une satisfaction nominale mais ne restait-il pas vrai que les coalitions des maîtres se dérobaient, tandis que les coalitions d’ouvriers allaient se placer d’elles-mêmes sous l’œil et la main du juge ? La loi sur les coalitions avait donc besoin d’être revisée, d’abord parce qu’elle n’était presque jamais appliquée aux maîtres, et en second lieu parce qu’elle était un obstacle aux associations régulières des ouvriers.

Quelles sont donc les réserves dont nous accompagnons une approbation si entière à la proclamation de cette liberté nouvelle ? Elles portent toutes sur l’usage de ce droit. C’est un droit in extremis. Il y a unanimité parmi les économistes qui s’en sont occupés pour reconnaître tous les abus auxquels il a donné lieu chez les Anglais. Il y a quinze ans à peine que M. Léon Faucher, racontant, dans ses Études sur l’Angleterre, la grande et formidable coalition des mécaniciens qui se maintint plusieurs mois, énonçait comme une sorte d’axiome que c’est dans les industries les plus florissantes, les mieux rétribuées, et à leurs moments les plus prospères que l’on voyait se pro-