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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

suffisaient à empêcher la liberté de la boulangerie, à ce compte toutes les denrées alimentaires devraient être ramenées au régime réglementaire. On devrait y soumettre le vin, le sucre, le café, le chocolat, tout ce qui est susceptible d’altération. L’histoire du passé témoigne que les fraudes ne sont pas contemporaines de la concurrence, qu’elles avaient dans l’ancien régime un développement attesté par le nombre même et la sévérité des avertissements, des précautions et des peines.

Relativement à la boulangerie, la réglementation avait pris d’ailleurs des proportions tout à fait inconnues de nos pères. Chez eux la fabrication du pain le plus usuel, était libre. Il en résultait une variété de pain que nous ne connaissons plus ; accessible aux différentes bourses, et à laquelle nous avons substitué la presque absolue uniformité. Reste à savoir si cette égalité de tous les Français ou de tous les Parisiens devant le pain blanc rendu obligatoire, vaut ce qu’elle coûte, et si elle compense, par exemple, la disparition de cet antique pain de ménage qu’on regrette aujourd’hui. Sacrifier des parties nutritives à la blancheur parfaite peut être conforme aux lois d’un goût aristocratique, mais est-ce économique ? Le beau doit-il, si beau il y a, l’emporter sur l’utile, en fait de boulangerie, tout comme s’il s’agissait des arts qui s’adressent à la pensée et à l’âme ? N’y a-t-il pas plus d’apparence que de réalité démocratique dans la mesure qui a habitué le pauvre à acheter le même pain que les riches, et dans un système qui imposait un sacrifice annuel de 9 ou 18 millions au consommateur parisien ? En fait de qualité enfin, ne peut-on se fier, outre l’action de la police, à l’appréciation des ménagères, si sévères sur ce chapitre de la bonté du pain ?

Le peu de réalité que se sont trouvé avoir les craintes émises avec tant de retentissement et d’assurance toutes les fois qu’il s’est agi de proclamer une nouvelle extension